• Chères lectrices, chers lecteurs,

    Voici un extrait d'une circulaire rédigée par Théophile Delcassé au gouverneur de l'Indochine Jean-Marie de Lanessan ceci en 1894. Ce texte fait l'apologie des bienfaits du colonialisme si ce dernier est administrativement bien structuré, où colons et indigènes sont traités avec équité et si chaque dépense de l'état est correctement analyée avant décision budgétaire. Par le biais de ces quelques lignes, Théophile Delcassé se démarque de quelques longueurs de piscine des théories de Georges Clémenceau et Gaston Doumergue.

    Tout au long des différents mandats qui lui seront confiés, il soutiendra la politique colonialiste du président du Conseil Jules Ferry.

    Qui était Théophile Delcassé ?

    Il est né le 1er mars 1892 dans le village de Pamiers (département de l'Ariège). Il est décédé le 21 février 1923 à Nice. Il occupa plusieurs postes, notamment :

    • 1893, il a la charge de sous-secrétaire d'état aux colonies (du 18 janvier au 25 novembre 1893)
    • 1894, il est ministre des colonies
    • 1898, il exerce en qualité de ministre des affaires étrangères

    La plume de cet homme nous immerge quelque peu dans cet état d'esprit colonialiste pré début vingtième siècle que nous méconnaissons pour une bonne partie d'entre-nous. L'Indochine française ne s'en limite pas à de vieux bâtiments dont l'architecture nous est si familière lorsque nous longeons les quartiers admininistratifs de Hanoï mais nous invite à comprendre un mode de vie exotique pensé par ceux restés en Métropole et ceux qui la vécurent au Vietnam, Cambodge ou Laos. 

    Vincent Thüler

     

    TEXTE DE THEOPHILE DELCASSE (EXTRAIT)

     

    "Le Parlement, le pays, on compris la nécessité, les dépenses considérables qu'exigeait l'accomplissement de l'expansion de la France à l'étranger. Il reste aujourd'hui à justifier les sacrifices du passé et ceux que réserve l'avenir par les résultats qui seront obtenus. Mettre en valeur les vastes territoires qui nous sont acquis; y créer des exploitation agricoles; développer la force productive des colonies et par cela même accroitre les relations commerciales avec la France. Dans cette oeuvre, le rôle principal appartient à l'initiative privée, mais l'initiative privée a besoin d'être encouragée et soutenue par le Gouvernement et ses agents. C'est sur cette question si délicate et si importante des relations entre l'administration et les colons que je tiens à appeler, d'une façon toute particulière votre attention. On dit fréquemment que la France n'avait que des colonies de fonctionnaires et de soldats. On s'est plaint et on se plaint encore de l'accueil peut encourageant que reçoivent aux colonies ceux de nos concitoyens qui veulent s'y installer; des difficultés, des vexations de toute nature qu'ils rencontrent; des entraves qu'apporte au développement des affaires une réglementation routinière et trop fiscale; on oppose volontiers à l'attitude de nos fonctionnaires celle des représentants des pays étrangers, toujours empressés, dit-on à soutenir les intérêts de leurs nationaux, à faciliter leurs entreprises. Mais tout en restant fidèlement attachée à son devoir professionnel, j'estime que l'administration peut et doit se considérer comme l'auxiliaire et la protectrice désignée des hommes de bonne volonté qui consacrent leur énergie, leurs forces et leurs capitaux à la mise en valeur de notre domaine d'outremer. L'administration doit avoir à coeur de les aider, de les renseigner, de leur faciliter leur tache, de briser des entraves que des règlements trop étroits, des préjugés, la routine ou de fausses considérations fiscales peuvent encore opposer au développement et à la vie même des entreprises naissantes. Après de pareilles promesses n'avions nous pas le droit d'avoir confiance, et c'est pénétrés de ces idées que nous nous mimes à l'oeuvre. Si l'on se reporte au début de la colonisation agricole, on remarquera que toutes les premières installations ne se créaient que dans le but d'entreprendre des cultures riches, c'est-à-dire que les demandes de concessions ne portaient que sur des surfaces restraintes. Malgré les efforts des uns et des autres, ces premiers efforts vous le savez, ne réussirent pas; mal renseignés et il faut l'avouer, nullement préparés que nous étions à ces nouvelles, cultures rien n'abouti. C'est un reproche que l'on nous adresse assez souvent; nous n'étions pas préparés à ce que nous allions entreprendre. C'est parfaitement exact mas ce reproche est injuste et n'est pas mérité. Le gouvernement lui-même, peut et même pas pas dutout renseigné sur les plantations que l'on pouvait entreprendre, nous engagea dans la création de ces premières cultures. N'avons-nous pas tous planté du café, du coton, du manioc, du ricin, de l'abacca, etc.

    Circulaire Thophile Delcassé, ministre


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  • Chères lectrices, chers lecteurs,

    Edifié et aménagé en 1890 sur une superficie de dix hectares, le jardin botanique de Hanoï (ou jardin d'essais) accueillit plusieurs types d'exotiques plantes comme par exemple l'araceae, le ficus et l'orchidée. Les successifs responsables de ce laboratoire en plein air exploitèrent ce que les premiers colons leur confièrent pour cataloguer les différentes espèces dans un registre. Les botanistes les plantèrent et étudièrent le comportement de l'évolution des espèces sous des serres. D'autres plantes et fleurs furent expédiées au Jardin des plantes à Paris afin que l'on puisse analyser leur développement dans un milieu autre que celui qui n'était pas le leur. 

    Le 3 septembre 1906, les planteurs du Tonkin se réunirent en assemblée générale et évoquèrent le cas du jardin botanique de Hanoï. Voici un très court extrait de leur conclusion à l'égard de l'espace vert. 

    "Le Jardin Botanique qui venait de se créer à Hanoï avait constitué un échantillonnage de toutes les plantes et les premiers colons suivaient attentivement ces tentatives. Par ailleurs, on offrait des terres, et au fur et à mesure que l'on pénétrait dans le pays, on s'apercevait qu'il y avait de grands espaces libres propres à la culture. Le gouvernement les offrait et faisait à cette époque tous ses efforts, nous devons le reconnaître, pour l'installation des colons."

    Autre écrit relatif à ce jardin botanique, la passasion de fonction pour le responsable de sa buvette. L'archive est banale, apporte peu d'un point de vue culturel mais elle aide à comprendre le fonctionnement administratif du système colonial. Jugez par vous-même. 

    Vincent Thüler

    Le jardin botanique de Hanoï et ses exploitants

     

    Le jardin botanique de Hanoï et ses exploitants


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  • Chères lectrices, chers lecteurs,

    Qu'est-ce qu'une "résidence supérieure" et qu'est-ce qu'un "résident supérieur" ?

    Pour répondre à ces deux questions, il faut se reporter en 1898, année à laquelle le Laos est intégré à l'Union Indochinoise crée en octobre 1887 par le gourverneur de l'Indochine Paul Doumer.

    Administrativement, le territoire laotien est divisé en deux, c'est-à-dire le "Haut-Laos" et le "Bas-Laos". Chacune des deux parties est administrée par un être suprême, c'est-à-dire un "Résident supérieur". Celui-ci siège non pas dans un palais mais dans une "Résidence supérieure". L'organisation du pays amène ces deux Résidents supérieurs à créer par la suite dix provinces sur l'ensemble du Laos. A l'exception de la province du Luang Prabang qui conserve son statut de "protectorat", les neufs autres provinces deviennent des principautés. Elles recevront leurs ordres du "Résident supérieur".

    Chaque "Résidence supérieure" peut accueillir cent fonctionnaires français. Ils reçoivent leurs fiches de salaire par le gouverneur de l'Indochine mais c'est la Métropole qui accepte ou non toute requête d'augmentation de leur part. 

    En guise d'illustration, voici la "Résidence supérieure" de Vietnane, la capitale administrative du Laos indochinois. L'on peut distinguer, au centre de la photo, au sommet de la toiture, un drapeau tricolore. L'architecture du batiment n'est pas du tout française contrairement aux autres constructions auxquelles nous sommes généralement habituées à être confrontées.

    Vincent Thüler

    La Résidence supérieure

     

    Musique d'accompagnement : Jean Sablon, "ces petites choses".


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  • Chères lectrices, chers lecteurs,

    Peu satisfaits du rendement des vaches laitières indigènes et indoues (jugées comme peu esthétiques de part la maigreur de leur silhouette), les français décident d'importer leurs propres races bovines en Extrême-Orient. Si les archives ne sont guère loquaces quant aux conditions sanitaires dont elles ont fait l'objet lors de leur traversée maritime en Indochine (surtout pour la vache suisse dont la distance qui la sépare du port de Marseille est conséquente), on peut bien s'imaginer que certaines ont passé trépas dans les cales des navires avant d'arriver à quai.

    Il est également prévu, ceci à titre expérimental, de les croiser avec des bêtes indigènes afin de rendre le bétail plus résistant quant aux rudes conditions météorologiques de la Conchinchine. Les vaches seront tout d'abord expérimentées dans les pâturages des Hauts-Plateaux de sorte à ce qu'elles puissent paîtrent dans une douceur proche de celle à laquelle elles sont habituées au Mont Saint-Michel, Taulé et dans la région Broye fribourgeoise (Suisse). Au bout de quelques mois d'observation, les exploitants constateront que certaines vaches souffrent d'exotiques maladies, parfois de promiscuité, d'autres se feront attaquées par des tigres ou chargées par des troupeaux d'éléphants.

    Le vaudois Alexandre Yersin va s'intéresser à la peste bovine. Dans son laboratoire de Nha Trang, il va s'adonner à plusieurs études afin d'endiguer le virus. Afin de parvenir à ses fins, il va solliciter les bonnes grâces du ministère de l'agriculture afin que l'on puisse lui expédier des poules et des vaches suisses. En vain, le coût d'une telle opération est très honéreux.

    De manière exhaustive, voici la liste des toutes les catégories bovines existantes au Tonkin en 1898. Cela va probablement intéresser ceux et celles d'entre-vous qui sont issus du milieu agricole. 

    • Race bretonne (France)
    • Race normande (France)
    • Race fribourgeoise (Suisse)
    • Zébu ou boeuf à bosse (indigène)
    • Souche Anglo-Normande (Australie)
    • Vache indoues (Indes)

     

    • Au kilo, le prix de viande varie entre 30 à cents pour le boeuf et 30 cents pour le veau. Les tarifs appliqués sur les étalages dépendent du cours du marché et de la race.
    • Les laiteries n'existent que dans les grandes villes (Hanoï, Hué, Dalat, Saïgon, Tourane). Elles sont pour la plupart exploitées par des indigènes mais toutefois gérées par les français. 

    En guise d'illustration, une vache de race "fribourgoise" accompagnée d'une paysanne du pays limousin expatriée au Tonkin sous fond d'exploitation agricole indochinois

    Vincent Thüler

    Les différentes races bovines en Indochine

    Photo représentant le microscope dont le scientifique Alexandre Yercin s'est servi pour détecter le bacille de la peste. Cet objet se trouve dans le musée qui est dédié au grand homme à Nha Trang. Un grand merci à un "ami suisse" pour son aimable autorisation quant à la diffusion de ce cliché.

    Les différentes races bovines en Indochine

     

     

     


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  • Chères lectrices, chers lecteurs,

    Le contrat de travail tel qu'il nous est familier au XXIe siècle différe quelque peu de celui qui était appliqué en Indochine française en 1930. Si les textes de lois s'accordent à préciser "qu'équité" de traitement il y avait entre ouvriers indigènes et colons, il n'en demeure pas moins que des abus de faiblesse se manifestèrent de la part des employeurs vis-à-vis de leurs salariés. Le syndicalisme naquit en Métropole en 1886 mais rien n'indique pour autant qu'il se répercuta en Indochine à partir de cette année. De plus, le contrat de travail que les ouvriers métropolitains recevaient de leur employeur n'était pas celui des indochinois. D'après ce que j'ai pu constater, ils sont nombreux les ouvriers venus de Toulon ou Perpignan à s'être fait abuser par leur patron français oeuvrant dans les manufactures à Hanoï ou Saïgon.

    Au 31 octobre 1930, l'Inspection général du travail, département des services d'intérêt social, présente ses textes au gouverneur de l'Indochine " Pierre Marie Antoine Pasquier" pour approbation. J'ai choisi de vous présenter trois articles afin que vous puissiez vous rendre compte ce dont ouvriers et patrons étaient soumis en cas de litige plus ou moins conséquent.

    Vincent Thüler

    • Article 41 : tout engagé a le droit de porter ses réclamations devant le représentant de l'administration, soit personnellement soit par l'intermédiaire de son employeur ou de son représentant. Dans ce dernier cas, l'employeur ou son représentant devra, dans les 48 heures au plus tard, aviser le représentant de l'administration qui fera une enquête et, au besoin visitera en personne l'exploitation et pourra, s'il le juge nécessaire, convoquer toute personne au service de l'employeur qu'il croira devoir interroger pour les besoins de son enquête. Si la réclamation est fondée, le représentant de l'administration, selon les cas, prendra toutes les mesures rentrant dans les limites de ses attributions ou transmettra la réclamation au magistrat compétent. 
    • Article 43 : Tout employeur qui a une plainte à porter contre un engagé, pourra, soit personnellement, soit par mandataire, le faire conduire sans délai devant le magistrat le plus voisin.
    • Article 44 : A la libération d'un engagé condamné à la prison, le gardien chef remettra ledit engagé à la disposition de son employeur après avoir prévenu celui-ci un mois à l'avance de la date de libération. Au cas où l'employeur de ne se présenterait pas à la prison pour prendre livraison dudit engagé, celui-ci sera remis à l'autorité administrative qui le fera conduire à l'employeur au frais de ce dernier.

    Voici le contrat de travail type pour français ou indigène :

     

    Chanson d'accompagnement : Mistinguett, Moineau de Paris


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